Hymne à la poésie

…La poésie est révolutionnaire….
Albert Camus, Les Justes

Tours de Babel mythiques et métaphores de la démesure humaine, nos sociétés, basées sur la tentative désespérée de résister au temps, ne sont parvenues qu’à imposer des modes de pensée…
Et pourtant, seule la subversion pourra faire avancer ce monde absurde dans lequel nous vivons et rapatrier l’être humain.

Avec cette exposition Maurizio Savini nous propulse dans l’inattendu, la folie nécessaire, une forme d’enfance…. Plus que l’intensité de la vie c’est l’intensité de la pensée qui est en jeu à travers une profusion libératrice, jamais doctrinale et un regard parfois malicieux, ludique, souvent excessif.
Ainsi, à l’heure où nous semblons déconnectés du vivant Savini propose une esthétique très subtile du fragment, une fulgurance qui nous embarque malgré nous parmi bribes, pièces éparses, destruction, reconstruction, mises en scène paradoxales et protéiformes.
Nous voilà sidérés, face à une forme d’ironie tragique et de paradoxe absolu, face à nos choix, nos ambiguïtés et nos fragilités.
Nous voilà confrontés à la voix du monde.

Une question toutefois demeure, pourquoi ces fragments, ces portails métalliques, ces figures figées ou en chute libre, ces constructions hybrides ? Comment comprendre ce mélange savamment équilibré entre cri du coeur et lucidité, entre réalité et imaginaire ? Imaginaire à la fois débordant, terriblement ironique et balayé d’un tourbillon éblouissant.
Et, si face à certaines pièces on ressent un pessimisme profond, une tristesse et douce mélancolie, il ne faut cependant pas s’y tromper, le sentiment qui finalement domine tout cet univers est l’amour, la tendresse, une forme d’espoir et de renaissance, une joie sans cesse renouvelée, celle de l’infini des possibles, celle de la création.
Dès lors rien de cynique ou de désabusé dans ce travail et le « fini » exceptionnel des oeuvres, leur aspect brillant dû au mélange gomme et résine, la gamme chromatique restreinte passant du blanc au rose participent au mystère du sens et nous contraignent à la réflexion sur les matériaux et au dialogue entre dérision et obstination.

Assurément, au delà des formes et des couleurs, faut-il rendre hommage à la sensibilité de l’artiste. En effet toute création demande force et poésie et cette poésie fait appel à tous nos sens, elle se voit, se touche, s’entend et se sent, elle est capable de nous transporter vers des terres inconnues, vers un au-delà des mers, un au delà de nos habitudes…et ce vent de folie n’est pas une distorsion du monde, mais un hymne débordant, joyeux et sans cesse renouvelé à la poésie.

Catherine Tirelli, 2022